Depuis 1972, le VOVINAM s'est étendu de plus en plus largement en Occident. Et le public commence a avoir besoin d'en connaître plus en profondeur les techniques. Car le VOVINAM Viet Vo Dao, ce n'est pas seulement la pratique des ciseaux... De fait, les ciseaux au sol ne représentent qu'une toute petite partie du système. Les clés, que nous vous présentons dans cet article, occupent une place beaucoup plus importante bien que moins spectaculaire.
Le reste du système technique du VOVINAM Viet Vo Dao possèdent une telle richesse et une telle variété que l'on pourrait croire que, par comparaison, le niveau technique des Clé de bras est plus léger, .comme un complément. C'est une erreur. Au contraire, le nombre et le niveau technique des clés dans le VOVINAM Viet Vo Dao est parmi, les plus élevés, les plus complets et les plus efficaces de tous 1es systèmes connus. Pour les pratiquants de VOVINAM Viet Vo Dao et pour les lecteurs qui ont pu voir la première vidéo de Budo International, ta qualité et l'efficacité des clés du VOVINAM ne font pas le moindre doute. Néanmoins, comme le VOVINAM est un art essentiellement de pied-poing, les élèves méprisent parfois le travail des "Khoa Tay Dât" (clés de bras) sans ce rendre compte que c'est l'un des entraînements les plus importants du VOVINAM, du moins au niveau des projections, des armes et des techniques de coup (coups de pied, de poing, de coude, du tranchant de la main, de genoux, etc.).
Connaître l'anatomie
L'application correcte des clés passent par deux éléments essentiels: la connaissance parfaite du squelette et l'exécution précise de la technique. Pourquoi connaître le fonctionnement du squelette? Eh bien, tout simplement pour savoir comment "il ne fonctionne pas". Je m'explique. Les clés et les techniques de contrôle articulaire sont en réalité des techniques qui vont en sens contraire du fonctionnement normal des articulations ou de la mécanique du squelette. Si le bras, par exemple, se plie naturellement vers le haut, quand nous exerçons une force dans le sens contraire, au-delà de la limite de l'extension... cela fait mal. L'art des clés consiste à faire en sorte que cela fasse mal avec un minimum d'effort. Mieux nous connaissons le fonctionnement du squelette, mieux nous maîtrisons ses "erreurs". Et les clés sont la production artificielle d'erreurs du squelette... voilà le secret!
Le point limite
Au cours des entraînements, nous ne devons jamais oublier le danger des clés et prendre bien soin de ne pas dépasser la limite. Ce point ne peut être fixé exactement de manière identique pour tout le monde. Le point limite d'une clé correspond au moment où la clé, bien exécutée, fait mal à l'adversaire et où, si nous appuyions ou forcions un peu plus, nous blesserions l'articulation ou le membre. Ce point, très difficile à déterminer est le moment dangereux des "Khôa Tay ' Dàt! (clés de bras). Certains personnes sont très souples et d'autres très rigides. Pour cette raison, le point limite n'est pas le même pour tous les pratiquants. Celui à qui on fait une clé dans les entraînements doit indiquer au partenaire qu'il est arrivé au point limite (de douleur généralement) en frappant le sol ou le corps de l'adversaire avec la paume de la main. Au signal le partenaire relâche un peu la pression et dégage la clé.
La saisie de la main
La façon de saisir la main est sans doute l'un des aspects que les élèves dominent le moins car ils se concentrent surtout sur le type de la clé et sur sa gestuelle. Mais c'est une grave erreur. Parmi tous les éléments qui constitue une clé de bras, la manière de saisir le poignet ou la main est indubitablement le facteur le plus important de succès ou d'échec en situation réelle. Le premier type de saisie, le plus commun, c'est "paume de la main contre dos de la main". Elle consiste à appliquer tout la paume de notre main contre la zone des métacarpes de l'adversaire en s'aidant du pouce et des doigts pour compléter la saisie. A partir de ce moment, les deux mains (de celui qui fait la clé et de celui qui la reçoit) doivent être complètement collées, il ne doit y avoir aucun espace libre entre elles. Le pouce et les doigts de celui qui fait la clé font pression sur la partie inférieure de la main de l'adversaire. Le deuxième type de saisie de main le plus utilisé est la saisie inversée" elle consiste à entourer le poignet de l'adversaire avec notre pouce et notre index. La paume de notre main est appliquée contre le dos de la main de l'adversaire. et nous faisons pression avec les trois doigts restant. Au sein de la philosophie "Am-Duong". le premier et le deuxième type de saisie se complètent, puisqu'ils sont tout à fait opposés, formant ainsi un ensemble positif négatif. On les rencontre très souvent car ils se combinent parfaitement avec les immobilisations de coude, les clés de bras et les torsions aussi bien celles de bases que les supérieures.
Types de clés
Les clés et les différentes torsions aux articulations sont classées en fonction de l'articulation principale de leur application : poignet, coude, épaule, pied ou genou.
Poignet
a) Torsion intérieure ou extérieure, les torsions de poignet sont plus efficaces si le bras de l'adversaire est tendu. Ce que l'on obtient facilement en appliquant une pression sur le coude dans le sens contraire au pli du coude.
b) Pression vers le bas ou vers le haut, les pressions de poignets fonctionnent toujours, peu importe que les bras soient tendus ou pliés. Néanmoins il convient d'empêcher tout mouvement de l'avant bras de l'adversaire afin d'éviter qu'il ne sorte de la clé. Par pression vers le bas, nous nous référons au rapprochement forcé des jointures de la main vers l'avant-bras et par pression vers le haut, nous nous référons au rapprochement forcé de la paume de la main vers l'avant-bras.
Coude
a) Torsion vers l'extérieur ou vers l'intérieur. On l'obtient soit en utilisant le "Z" formé par le bras plié comme une manivelle, soit en appuyant sur le coude avec la main tout en soutenant le poignet.
b) Pression supérieure ou inférieure. Quand le bras est à moitié plié et que nous appuyons pour obtenir une rotation.
c) Clé vers le haut ou vers le bas, l'une des plus faciles à réaliser et avec un minimum d'efforts. Elle consiste à appuyer sur le coude quand le bras est complètement tendu. Suivant que la main de l'adversaire est tournée vers le haut ou vers le bas, nous avons deux clés différentes.
Epaule
a) Rotation forcée vers l'arrière qui peut se faire avec le bras plié, en combinant avec une clé de coude et de poignet ou avec le bras tendu, généralement au sol.
b) Rotation forcée vers l'avant, dans ce cas le bras se trouve dans le dos et nous le levons jusqu'à la limite permise par l'articulation. Attention aux clés d'épaules, qu'elles soient vers l'avant ou vers l'arrière, car elles sont très souvent sources de lésions à l'entraînement.
Pied
a) Torsion extérieure ou intérieure, très facile à appliquer si l'on soutient bien le talon avec une main et la coup de pied avec l'autre. L'aspect négatif de la torsion de pied est que si l'on veut que l'entraînement soit réellement efficace, il fait presque arriver à blesser le partenaire car le point limite est extrêmement proche du point de rupture.
b) Flexion vers le bas, est efficace seulement si elle est combinée avec une clé de genou. Je ne mentionne pas la flexion vers le haut (approcher les doigts de pied vers le tibia), car elle n'est pas efficace. Les pratiquants ayant eu des foulures ou des entorses de cheville devront faire particulièrement attention quand ils recevront les clés de pied.
Genou
a) Torsion intérieure ou extérieure, toujours combinée avec une torsion de pied ou une flexion de pied vers le bas. Etant donné que les muscles des jambes sont beaucoup plus grands et puissants le pratiquant qui effectue la torsion de genou doit compenser cet excès de force avec une torsion ou une flexion du pied de l'adversaire. Pour rendre la torsion de genou plus efficace, on peut immobiliser la cuisse quand on fait pivoter le pied de l'adversaire d'un côté à l'autre.
b) Clé vers le bas, consiste à bloquer avec nos cuisses le genou de l'adversaire et à appuyer le talon dans le sens contraire au pli de la jambe. Généralement ce type de clé se fait debout avec l'adversaire au sol.
c) Flexion forcée avec appui, très utilisée dans les combats codifiés de VOVINAM, le principe de base consiste à placer un appui (notre pied ou notre tibia) sur le mollet (derrière le pli du genou de l'adversaire) et à forcer ensuite en pliant le genou, rapprochant le pied de l'adversaire vers ses fesses. Ce type de technique s'effectue toujours avec l'adversaire au sol sur le ventre. Le plus important est d'appuyer fortement sur le tibia.
Similitudes avec d'autres arts martiaux
Ces types de clés et de saisies paraîtront familiers aux experts et aux pratiquants d'autres styles. Mais pourquoi rencontre-t-on des mouvements presque identiques en Corée, au Japon, en Chine et au Vietnam? La théorie la plus "simpliste", la plus facile, dirais-je, est celle de la diffusion des arts martiaux à partir de la Chine (et auparavant à partir de l'Inde) il y a des milliers d'années. Il est vrai qu'en Chine nous trouvons le Qin Na, l'art des clés. D'après certains, le Qin Na serait à l'origine des techniques du Jiu-Jitsu japonais (et par conséquent de Judo et de Aikido), du Hapkido coréen et des autres écoles où il y a des clés.
Une autre théorie consiste à dire que chaque pays développa ses techniques de clés indépendamment, avec certains échanges ou apports extérieurs. Les ressemblances techniques proviennent du fait que les positions du bras, du coude . ou du poignet sont limitées, il n'y en a que deux pour qu'une clé soit douloureuse: vers l'intérieur ou vers l'extérieur jusqu'à ce que l'articulation se rompe... A moins que l'on ne fasse la clé à une pieuvre, les clés utilisent le même principe mécanique du squelette, quel que soit la nationalité de celui qui la reçoit.
La théorie d'une expansion dans toute : l'Asie d'un même style est peu réaliste si l'on considère qu'il y a 1000 ou 2000 ans, un voyage du Vietnam en Corée pouvait durer plusieurs années. Il est effectivement prouvé qu'il y eut des influences et des échanges dans toute l'Asie, mais on peut éliminer l'hypothèse de "quelqu'un" qui aurait propagé un seul système de combat en Extrême-Orient, comme on a voulu nous le faire croire il y a quelques dizaines d'années. Si Bodhidharma (Bo Di Dat Ma) a voyagé depuis l'Inde, l'unique fait qui est historiquement prouvé est qu'il enseigna quelques "for- mes" bouddhistes correspondants à certains Quyen (ou Kata, Pumse, Tao...).
Mais en ce qui concerne les clés et les techniques de combat, ce ne sont pas le: moines qui les ont développées. Les moines ne font pas la guerre, ce sont les militaires qui la font et dans l'Asie de l'Antiquité, c'étaient déjà le cas. À une époque où la guerre était permanente, d'une dynastie à l'autre, chaque centre martial du lointain Orient s'entraînait en vue de la destruction ou de l'immobilisation la plus efficace. En Occident, nos systèmes de lutte grecque ou romaine, par exemple, n'on pas autant développé les clés de bras qu les Orientaux.
Pourquoi donc les Asiatiques ont-ils tellement développé l'art de tordre les bras? C'est une question d mentalité et de philosophie. Aussi étrange que cela puisse paraître, c'est la philosophie qui est à l'origine des différences d comportements, y compris dans l'art de guerre, l'art de tuer. En Occident, à l'époque médiévale, le plus important était c protéger la vie des chevaliers. Les armures furent dès lors toujours plus completes, plus lourdes et plus fortes. Leurs armes étaient toujours plus lourdes, plus meurtrières, plus grandes et plus affilée jusqu'à l'apparition des armes à feu, qui fut la mort des armures.
Les Occidentaux ne connaissaient pas le principe de la polarité positive-négative. Ils cherchaient toujours ce qu'il y avait de plus fort et c plus destructeur. Le comble, c'est que I Asiatiques (Chinois, Vietnamiens, Coréens) connaissaient et utilisaient la poudre depuis des siècles déjà. Les Occidentauux l'importèrent de Chine. Pourquoi donc les Orientaux ne l'utilisaient-ils pas comme arme? Ils avaient inventés les fusées et les feux d'artifices et connaissaient le danger des explosions de poudre. Peut-être est-ce une fois encore, à cause de la dualité Am-Dong ou par conservatisme vis-à-vis de l'art de la guerre. L'aspect positif de cela, c'est que, grâce à ces milliers d'années de combat sur les champs de bataille, est né dans ce lointain Orient, un art des luxations et des immobilisations beau et efficace, indépendamment du pays d'origine et des influences et apports extérieurs. Nous comprenons mieux le développement des saisies de poignet et des clés aux articulations quand nous nous situons à l'époque.
En Asie, les armures la n'était pas 100% en métal, mais faites d'un mélange de cuir, de bambou et d'un peu de métal. Et elles avaient toute une point en commun: si elles ne laissaient pas certaines parties du corps à découvert, libres et mobiles, il était impossible de combattre avec ces armures sur le dos. Comme ils utilisaient des armes plus légères qu'en Occident, le style de combat dans les guerres (et plus tard dans les écoles) était plus dynamique, plus rapide et plus aérien que celui des chevaliers européens de la même époque. Certains guerriers, plus pauvres ou d'un grade inférieur de l'armée, ne portaient qu'une armure très réduite: une protection de poitrine, un casque et une protection des avant-bras. Ces armures plus plus légères et plus ouvertes, véritablement insuffisantes au combat face à des armes tranchantes, étaient cependant un avantage dans le corps à corps. La mobilité que permettaient ces cuirasses réduites amenèrent les entraîneurs ou les maîtres de guerre à développer des techniques pour blesser les seules parties laissées libres par des armures plus complètes: les articulations.
Une maîtrise parfaite des clés et une grande mobilité étaient le secret de la lutte au corps à corps face à des adversaires possédant de bonne armure. Au Vietnam, les maïtres disaient: "pour éliminer un adversaire il n'est pas nécessaire de tuer, il suffit de lui couper la main ou fracturer l'articulation de son bras et il ne pourra plus combattre". De là la devise: "un bras en moins, un ennemi en moins".
Le Vovinam Viet Vo Dao, synthèse des écoles d'arts martiaux du Vietnam, fondé en 1938, est l'un des nombreux styles vietnamiens. Nous désirons pour cela faire remarquer que lorsque nous disons que le Vovinam Viet Vo Dao l'art martial le plus répandu dans le monde, nous ne prétendons en aucune manière nier la valeur et l'authenticité des autres écoles vietnamiennes. Nous essayerons, prochainement, de présenter aux lecteurs les écoles les plus importantes du Vietnam et de combler ainsi le grand vide qui existe en Occident à propos des véritables arts martiaux vietnamiens.
Source Budo international n°56