A l'occasion de la sortie de "L'Oeil du tigre", portrait d'une femme aveugle voulant devenir championne de Viet Vo Dao (un art martial vietnamien), AlloCiné a rencontré le réalisateur de ce documentaire touchant : Raphaël Pfeiffer.
AlloCiné : L'Oeil du tigre est votre premier long métrage. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Raphaël Pfeiffer : J'ai commencé à travailler assez tôt sur des tournages, en occupant des postes très différents : j'ai fait de la déco, du montage, j'ai cadré... On peut vraiment dire que j’ai appris sur le tas. Au bout de quelques années, j’ai commencé à réaliser mes propres films. Au début, c’était surtout des clips pour des musiciens, ce qui était une bonne manière de comprendre comment travailler avec des petits budgets et des contraintes. Puis, j’ai commencé à faire des films courts qui questionnaient les limites de la forme documentaire.
Comment est né ce projet de documentaire autour de Laurence et sa famille et qu'est-ce qui vous a intéressé dans ce sujet ?
Il y a quelques années, j'ai rencontré Laurence Dubois par l'intermédiaire d’un ami. Très rapidement, je lui ai proposé de faire un film sur elle. A l'époque on se connaissait à peine, je pensais faire un court métrage sur son quotidien, quelque chose de simple. Mais très rapidement, Laurence est apparu comme un vrai personnage de cinéma, complexe et touchant. J’ai été fasciné par sa force, sa grâce et ses aspérités.
Le but de projets documentaires comme celui-ci est d’arriver à capter des accidents, des moments de grâce complètement inattendus.
Comment s'est déroulé le tournage et quelles ont été les principales difficultés ?
Pendant longtemps, j’ai accompagné Laurence dans toutes les phases de son quotidien, à la maison comme sur le tatami. Les prises de vues ont suivi un principe simple : filmer la vie à la ferme pendant de longues périodes, sans intervenir, jusqu’à ce que la famille Dubois ne soit plus gênée par la présence de la caméra. Ce qui est difficile dans ce genre de projets c’est que, pendant le tournage, on ne sait pas où on va. Comme rien n’est scénarisé, il y a une grande part d’incertitude dans ce que l'on filme. Il faut vraiment avoir confiance en son sujet.
Quels ont été vos principaux partis-pris scénaristiques et esthétiques ?
L'idée de fond était la suivante : faire un film narratif classique, qui ressemblerait à de la fiction, mais dont la matière première serait uniquement des prises de vues réelles. Ainsi, j’ai essayé de penser un dispositif qui me permette de retrouver des figures classiquement associées au cinéma de fiction, comme par exemple des champs-contrechamps ou du cinémascope. Tout l’enjeu était de trouver une manière de tourner qui me permette à la fois d’avoir des cadrages précis et des accidents. Parce que dans le fond, le but de projets documentaires comme celui-ci est d’arriver à capter des accidents, des moments de grâce complètement inattendus.
Avez-vous gardé contact avec Laurence et sa famille ?
Oui absolument, aujourd’hui je suis très proche de Laurence et je reviens régulièrement en Mayenne pour lui rendre visite. Je suis très heureux que le film m’ait apporté cette amitié.
Fondation VISIO
C'est la Fondation VISIO qui a financé la mise en audiodescription du film afin qu’un maximum de personnes déficientes visuelles ou aveugles puissent découvrir l’histoire vraie de Laurence. La Fondation, implantée à Angers, qui lutte contre les maladies cécitantes et développe de nouvelles technologies d’aide et d’assistance à la mobilité des personnes déficientes visuelles, intervient également depuis plusieurs années auprès des réalisateurs et des maisons de production afin de les inciter à avoir recours de manière beaucoup plus fréquente à l’audiodescription de longs métrages.