Seine-et-Marne. Après le décès brutal de son compagnon du Covid-19, elle souhaite lui rendre hommage - actu.fr

Patrick Lihau était professeur de viet vo dao dans le club de Gretz-Tournan. Il laisse derrière lui sa famille, sa compagne et ses trois filles, mais également ses nombreux projets pour ses élèves.

Patrick Lihau était professeur de viet vo dao dans le club de Gretz-Tournan.
Patrick Lihau était professeur de viet vo dao dans le club de Gretz-Tournan.

Il laisse derrière lui sa famille, sa compagne et ses trois filles, mais également ses nombreux projets pour ses élèves. À 44 ans, Patrick Lihau, président du club de viet vo dao de Gretz-Tournan et infirmier en psychiatrie au centre hospitalier André-Grégoire à Montreuil (Seine-Saint-Denis) s’est éteint jeudi 19 mars dans son appartement à Serris, atteint par le Covid-19.

« C’est arrivé brutalement, en seulement 24 heures. Il avait travaillé dans la nuit de mardi à mercredi. Les symptômes sont apparus le mercredi avec de la fièvre. Il avait du mal à respirer, mais n’a pas toussé. Au petit matin on s’était mis d’accord pour l’emmener aux urgences, mais on n’a pas eu le temps de sortir de l’appartement. Il s’est écroulé », raconte Émilie, sa compagne depuis 19 ans, qui peine à contenir ses émotions.

C’est arrivé soudainement, et ce qui est d’autant plus difficile pour nous, c’est que c’est arrivé chez nous et que nous sommes confinées ici. La situation actuelle rend cet événement encore plus brutal. Nous sommes privées de beaucoup de choses : de lui, de la possibilité de lui dire au revoir, et de pouvoir assister à ses obsèques. Nous sommes seules, personne ne peut venir nous voir car nous sommes potentiellement porteuses du virus.

« Apprécié pour tout ce qu’il était »

Tous se souviennent de lui comme d’un homme « motivé par son métier, un professeur passionné par le vovinam, un président de club dévoué, un mari aimant et un papa attentionné. »

« Patrick avait un charisme naturel, c’était un séducteur. Il était apprécié pour tout ce qu’il était. Il avait du tempérament, ne mâchait pas ses mots, mais toujours avec tact, et avait aussi beaucoup d’humour, rapporte sa compagne.

Il était très actif et très impliqué dans ce qu’il entreprenait. Il ne manquait jamais d’idées, notamment sur le plan associatif. Son cerveau était toujours en marche pour la suite.

Un homme passionné par les arts martiaux

Patrick Lihau était bien connu dans le monde des arts martiaux. Le Comité départemental de karaté de Seine-et-Marne lui a d’ailleurs rendu hommage sur les réseaux sociaux.

Avant de faire du viet vo dao, ce passionné pratiquait déjà le karaté. Selon sa conjointe :

Les arts martiaux, c’était toute sa vie. Il a remporté pas mal de titres au cours de sa carrière. Il avait un très beau style, bien à lui, qu’il commençait à transmettre aux enfants. Ça aurait pu donner de belles choses…

C’est il y a une quinzaine d’années, fort de son expérience, qu’il décide de reprendre le club de viet vo dao de Gretz-Tournan (le club Bay long, l’une des dix-huit sections du Sporting club de Gretz-Tournan) avec un ami, Pierre. Depuis, les projets pour ses élèves qu’il commençait à former dès l’âge de trois ans, ne cessaient de fuser : événements festifs, rencontres interclubs, stages…

« Le club de Gretz-Tournan est un petit club puisqu’il compte une trentaine d’adhérents, mais avec des résultats. Il savait repérer les talents, dès leur plus jeune âge, développer leurs capacités et leur transmettre son âme de compétiteur. C’était le meilleur professeur qu’on puisse avoir. Il avait un petit truc en plus. Grâce à son savoir-faire, ses élèves étaient attendus en compétitions. Ils finissaient très souvent sur les podiums ; une vraie récompense pour lui. Patrick a même permis à deux de ses élèves de devenir vice-championnes de France l’an passé, et avait pour ambition de les emmener en championnat d’Europe. C’est vraiment dommage, il y a un goût d’inachevé. Maintenant, je souhaite de mon côté pérenniser ce qu’il a fait depuis des années », développe Émilie.

« Présent, souriant, et positif »

« C’était quelqu’un très discret, qui n’aimait pas être à la lumière, mais qui savait montrer qu’il était là, présent. Il était toujours souriant et positif », se souvient quant à lui Frédéric Selbonne, président du club de viet vo dao de Liverdy-en-Brie avec lequel il avait mis en place de nombreux projets pour leurs clubs respectifs.

Les deux hommes se rencontrent au début des années 2000. « Nous avions le même maître à l’époque. Après un long moment sans nous voir, nous avons repris contact de manière régulière en février dernier. Face aux grands clubs des environs, nous avions décidé d’organiser des événements en communs pour faire vivre nos clubs, développe Frédéric Selbonne.

Nous avions de nombreux points communs, mais ce qui nous a rapprochés c’est notre pédagogie d’enseignant. Sa psychologie d’approche était son atout. Cette philosophie, il a dû l’adopter de par sa profession.

Un infirmier humain et un papa dévoué

Dans l’unité des adolescents du service psychiatrique, touchée elle aussi par la pénurie de masques et de gants, où il travaillait, Patrick Lihau était également très apprécié. « Il savait imposer un cadre de travail rigoureux pour canaliser les patients. Il avait de grandes qualités humaines, savait capter l’attention, mais aussi être ferme quand il le fallait », rapporte sa compagne. Et les messages d’hommage de ses collègues sont nombreux.

C’était aussi un papa très dévoué : il emmenait les filles à l’école, allait les chercher le midi pour qu’elles ne mangent pas à la cantine, et le soir à la sortie de l’école. Avec son travail de nuit et ses engagements sportifs, je ne sais pas où il trouvait la force de tout faire, où il trouvait toute cette énergie. Il avait une telle volonté… », ajoute Émilie.

Un appel à respecter le confinement

Après ce tragique événement, la veuve de 37 ans souhaite mettre en garde la population :

Ça n’arrive pas qu’aux autres. Le virus peut s’attaquer à tout le monde, et nous ne sommes pas égaux face à cette maladie. Il faut prendre ses précautions et respecter les règles imposées en cette période. Et pas uniquement les personnes âgées ou fragiles, car personne n’est intouchable. Même un guerrier, comme il l’était, peut être terrassé par ce fléau.

L’homme de 44 ans souffrait tout de même d’une faiblesse immunitaire, dont il n’aimait pas parler, « parce qu’il voulait être considéré comme les autres. »

« Je veux perpétuer sa mémoire »

Patrick Lihau sera inhumé dans les prochains jours, en présence de 20 membres de sa famille, mais sans sa compagne, et ses trois filles Ayana, Shany et Jalia. Ces dernières, ses amis, ses élèves et les membres du bureau du club de vovinam de Gretz-Tournan et de Liverdy espèrent pouvoir organiser un rassemblement plus tard, pour lui rendre hommage.

Une cagnotte Leetchi a d’ailleurs été lancée par son meilleur ami, Sébastien, pour financer une cérémonie, mais également venir en aide à Émilie et leurs enfants pour leur permettre de continuer à vivre convenablement.

Cette cagnotte compte à ce jour, mercredi 25 mars, plus de 200 participations et plus de 10 500 € collectés, mais les dons continuent à affluer.

Pour sa compagne, « ça fait chaud au cœur. Je savais qu’il était apprécié, mais je ne savais pas à quel point. Cette cagnotte, c’est le témoignage de ce qu’il était. Tous les gens qui ont la chance de le croiser ou de partager quelque chose avec lui en gardent un souvenir particulier, car c’était un personnage. »

Et pour la mémoire de son conjoint, Émilie ne compte pas baisser les bras :

Il n’est plus là, mais je veux continuer sur ses pas. Je veux perpétuer sa mémoire, et mener à bien ce qu’il aurait aimé pour nos vies, le rendre fier de nous de là où il est.

Pour participer à la cagnotte: www.leetchi.com/c/patrick-l